L’enseignement est un sacerdoce


Photo prise lors d'une séance d'échange avec certains apprenants au Burundi © Damas IGIRANEZA

L’enseignement est une vocation à forte portée éthique et sociale. Au-delà de la dimension symbolique et de la noblesse qu’il confère au sein de la communauté, il s’agit est une profession exigeante, impliquant la transmission des savoirs, l’inspiration, l’orientation, l’accompagnement et le renforcement des capacités des apprenants (Moriyón, 1995). Loin de toute fausse modestie, il constitue aussi un engagement altruiste et un véritable sacrifice en faveur du développement de la Nation, notamment à travers la formation des élites.

En effet, les anciens ont exprimé avec clarté la vocation enseignante en affirmant que « ce qui fait vivre l’enseignant, c’est la lumière qui brille dans les yeux des apprenants, qui aspirent à affronter leur avenir avec sérénité après leurs cursus académiques, afin de mieux contribuer au développement de la société ». Cette conception, inscrite dans une approche humaniste de l’enseignement, constitue un fil conducteur de mon engagement pédagogique, que je déploie depuis deux années dans ma quête de contribuer à l’élévation intellectuelle et civique de la jeunesse.

Transmettre pour inspirer

Depuis 2023, je suis engagé dans la transmission des savoirs en tant que jeune assistant d’enseignement, dispensant les cours de Communication et Médias, et intervenant également comme formateur dans ce même champ disciplinaire. Mon action s’étend aux domaines des technologies émergentes, dans une approche transversale qui me permet d’encadrer aussi bien des étudiants, des journalistes, des jeunes passionnés par l’innovation technologique que des agents issus de l’administration publique et du secteur privé. Cette mission qui s’inscrit également dans mon cursus doctoral constitue pour moi un processus d’autoformation continue et une contribution, certes modeste, mais significative à la construction sociale à travers le renforcement du capital humain.

Qu’il s’agisse de la fonction de formateur ou de celle d’enseignant universitaire, ces rôles exigent une forte dimension éthique. Qu'on se le dise, se tenir devant des apprenants implique l’adoption d’une posture d’agent moral, caractérisée par l’ouverture d’esprit, la neutralité, la bienveillante et le refus de toute forme de rapport de domination. Cette posture vise à instaurer un climat fondé sur le respect mutuel, la sollicitude et l’attention à l’autre; conditions essentielles à la promotion des valeurs humaines et à une transmission efficace, équitable et humaniste du savoir (Kahn, 2006).

 Ma collègue Briana Caplan de l’Université de Chicago avec certaines étudiantes ayant suivi une formation intensive de six mois portant sur le codage, le marketing, la communication, dans le cadre du programme "Code your dreams" en 2023 © Kit-Hub
Enseigner pour accompagner

À l’image du parent qui accompagne l’enfant sur le chemin de la vie, l’enseignant doté d’une conscience professionnelle, devrait s’inscrire dans une dynamique d’accompagnement intégral de l’étudiant tout au long de son parcours académique. Son rôle ne saurait se limiter à la simple transmission des savoirs : il est avant tout un guide éclairé, conjuguant bienveillance et rigueur, pour favoriser l’épanouissement intellectuel, éthique et émotionnel de l’apprenant (Baillet, 2011).

Pour moi, l’enseignant devient alors un miroir dans lequel les étudiants sont appelés à se refléter, à s’inspirer et à se projeter, en s’identifiant aux qualités qu’ils perçoivent en lui. Dès lors, il importe que ce dernier incarne profondément les valeurs humaines fondamentales : son intégrité et sa résilience doivent constituer une boussole morale, tandis que sa rigueur, son dévouement et sa cohérence personnelle doivent devenir des repères permettant aux étudiants de s’armer de courage pour affronter les défis de la vie avec joie et sérénité (Mweze, 2022).

Cependant, il convient de déplorer qu’aujourd’hui, en République démocratique du Congo, ceux-là mêmes qui devraient être des modèles pour la jeunesse sont parfois impliqués dans les maux structurels qui minent le tissu socio-éducatif national, compromettant ainsi leur rôle formateur et leur exemplarité.

Photo prise lors d'une séance de formation sur la decouvrabilité des œuvres culturelles en Afrique à Lomé au Togo ©OIF-Afrique de l'Ouest 2024

Un hommage mérité à mes modèles

J’ai en effet hérité de cette démarche mettant « l’humain au centre » de l’enseignement au contact de trois figures professorales marquantes qui ont profondément influencé ma trajectoire universitaire. Le premier, l’Abbé Père Sylvain Mutoke, a radicalement transformé ma conception de l’enseignement. Pour lui, l’étudiant occupait une place centrale dans le processus éducatif. Sa pédagogie conjuguait transmission des savoirs, accompagnement spirituel et pratique, dans une vision intégrale de la formation. Selon son approche, « enseigner, c’est non seulement transmettre la connaissance, mais aussi cheminer avec l’étudiant dans sa quête de sens et d’utilité sociale ».

Le second, le Professeur Ribio Nzeza Bunketi, aujourd’hui directeur du département de Culture à l’Université Senghor d’Alexandrie, incarnait une rigueur pédagogique exemplaire. D’un professionnalisme remarquable, il impressionnait par son engagement constant, son élégance intellectuelle et son intégration harmonieuse des technologies contemporaines dans sa pratique académique. Jeune enseignant à l’époque, il témoignait déjà d’un sens éthique élevé et d’un dévouement sans faille, inspirant naturellement respect et admiration.

Mweze, un cas d’école

Enfin, le Professeur Dominique Mweze représente à mes yeux l’archétype de l’enseignant accompli dont la République démocratique du Congo a cruellement besoin. Homme de culture, d’une polyvalence rare, il incarne l’alliance entre modestie, rigueur, résilience et efficacité. Son engagement exceptionnel en faveur de la formation de l’élite nationale lui a valu de nombreux hommages. Comme le soulignait sur sa page X, Gyavira Mushizi, ancien Recteur de l’Université Officielle de Bukavu (UOB), en 2022 lors de son admission à l’éméritat à l’Université Catholique du Congo, « c’est un aîné qui a tout donné pour ce pays ; il s’est littéralement tué à la tâche pour la formation de l’élite ».

Bien qu’au début de ma carrière en tant qu’éducateur, je m’efforce de suivre les traces qu’ils ont admirablement tracées, si je parviens un jour à accéder au rang de professeur, ces trois figures continueront d’orienter mon engagement pédagogique, tout en intégrant également les valeurs personnelles qui me définissent le mieux en tant qu’individu, afin de construire une identité professorale authentique et singulière.

Références 

Baillet, Dorothée. Accompagner les étudiants dans l’enseignement supérieur et universitaire. Revue Eduquer, 2011, https://www.academia.edu/9148509/Accompagner_les_%C3%A9tudiants_dans_l_enseignement_sup%C3%A9rieur_et_universitaire.

Kahn, Pierre. « Réflexions générales sur l’éthique professionnelle enseignante ». Recherche et formation [En ligne], vol. 52, 2006, mis en ligne le 5 décembre 2011, consulté le 30 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/rechercheformation/1229 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rechercheformation.1229.

 García Moriyón, Félix. « L’éthique des professeurs ». Revue internationale d’éducation de Sèvres, vol. 05, 1995, pp. 87-94.

Mweze, Dominique, «  Paramètres dynamiques de l’écoute pour une communication réussie », 56ème journée des communications sociales, Kinshasa, 2022.

  

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