Recension de la pensée de Jean-Baptiste Perret sur la scientificité des Sciences de l’Information et de la Communication (SIC)



Crédit photo d'illustration: https://crps-beauvallon.be/

Jean-Baptiste Perret est une figure incontournable dans le domaine des sciences de l'information et de la communication, notamment à travers son ouvrage Les SIC : essai de définition, lequel a fait l'objet d'une analyse approfondie dans le cadre d'un cours d'épistémologie des sciences de l'information et de la communication sous la coordination du Professeur ordinaire Vicky Elongo de l'Université de Kinshasa. Cet ouvrage s'inscrit dans une réflexion épistémologique sur les fondements théoriques et les méthodologies d'analyse spécifiques aux sciences de l'information et de la communication. 

Dans cet ouvrage qui fait l'objet de notre réflexion, M. Pierret suscite une réflexion en affirmant dès le début que « chacun sait ce que recouvrent les sciences de l’information et de la communication ». À ses yeux, ces deux termes (Information et communication) évoquent immédiatement un ensemble de pratiques sociales, de lieux, de techniques et d’acteurs, perçus par le sens commun comme relevant de ces domaines. Au regard des évolutions technologiques et des enjeux contemporains, il est légitime de se demander si tout le monde comprend véritablement ce que recouvrent les sciences de l'information et de la communication. En nous appuyant sur les cinq axiomes de l’École de Palo Alto, qui soulignent que la communication, qu'elle soit verbale ou non verbale, est omniprésente et que même le silence véhicule un message, nous pouvons affirmer, avec une once de modestie, qu'il est possible pour de nombreuses personnes d'entrevoir les divers domaines couverts par les sciences de l'information et de la communication, sans en avoir une connaissance précise.

Ainsi, il convient d'ores déjà de rappeler que ces axiomes distinguent deux niveaux de communication : le contenu (l'information) et la relation (l'interprétation du message), qui s'influencent mutuellement. Les échanges sont ponctués de réactions réciproques, et leur interprétation peut redéfinir la relation entre les individus. La communication humaine se fait à travers deux modes : le mode digital (verbal) et le mode analogique (non verbal). Enfin, les relations peuvent être symétriques (égales) ou complémentaires (basées sur des différences). D'emblée, tous ces éléments offrent une perspective large de l'omniprésence des sciences de l'information et de la communication. Toutefois, ce n'est pas là le véritable enjeu de notre réflexion ; nous nous concentrerons plutôt sur la scientificité des SIC.

Les objets des SIC: une construction en question

L’ouvrage souligne que les sciences de l'information et de la communication reposent sur des objets concrets. Mais certains penseurs comme Gaston Bachelard ont montre que la science ne peut plus se contenter d’expliquer des objets existants ; elle cherche à définir des objets. Cette nuance n'a pas échappé à M. Perret, qui s'interroge alors: Les sciences de l’information et de la communication ont-elles un objet spécifique ? La réponse n’est pas évidente. Il rappelle qu’une discipline ne peut exister sans un objet précis, mais qu’aucun objet scientifique n’existe sans une discipline pour le définir. Ainsi, dit-il, « dans la mesure où les Sic sont aujourd’hui une discipline reconnue dont l’existence institutionnelle ne fait plus problème, c’est maintenant son autonomie dans le domaine de la connaissance qui est en jeu. Or, cette autonomie cognitive dépend de sa capacité à construire scientifiquement ses propres objets ».

Afin de répondre à cette question, l’auteur établit une cartographie des objets que les SIC explorent. Il note que la construction des objets en SIC n’a rien à envier aux autres sciences humaines, bien que ces dernières bénéficient souvent d’un statut plus prestigieux. Cette construction se fait cependant selon des particularités qui, tout à la fois, sont des opportunités et des difficultés spécifiques à la discipline. A la lumière de ce qui précède, Jean-Baptiste Perret propose deux perspectives pour une meilleure compréhension: " cercle du relativisme" et "cercle de la connaissance".

·         Le cercle du relativisme : une discipline se définit par ce que les chercheurs qui la pratiquent en décident. Son identité repose davantage sur l'accord au sein de la communauté scientifique que sur des critères conceptuels précis, et dépend principalement des rapports de force entre ses membres.

·         Le cercle de la connaissance : tout jugement concernant la pertinence ou la validité d'une affirmation repose sur la reconnaissance implicite d'un paradigme, c'est-à-dire sur un autre jugement lui-même indémontrable. Ainsi, d'après lui, il n'existe pas, et ne peut exister, de définition scientifique de la scientificité, ni de "théorie pour identifier une bonne théorie".

Sa réflexion souligne que les tentatives successives de définition des sciences de l'information et de la communication, qu'elles proviennent de ses auteurs ou d'actes officiels, ont alterné entre deux pôles qui nous intéressent dans cette recension:

  • Le pôle socio-historique, qui adopte une définition pragmatique par le domaine. Selon cette approche, les objets "concrets" sont considérés comme relevant de la communication. On dira alors, les sciences de l'information et de la communication comme une discipline s'intéressant uniquement aux activités de communication, et uniquement à celles-là. 

  • Le pôle rationnel, qui se base sur une définition conceptuelle ou théorique. Dans cette perspective, les objets sont théoriquement construits comme appartenant au champ de la communication. Il n'existe pas d'objets intrinsèquement plus communicationnels que d'autres ; l'important réside dans la manière dont ces objets sont traités d'un point de vue communicationnel. Il s'agit alors d'adopter une "approche communicationnelle" applicable à tout objet, en principe. 

Les difficultés de définition des SIC

La réflexion de l'auteur met aussi en lumière trois principales difficultés liées à la définition des sciences de l'information et de la communication.

  1. La délimitation des objets : La première difficulté concerne la délimitation des objets en SIC, liée au terme « communication », qui désigne des objets à la fois omniprésents et indéfinis.

  2. Le risque de dispersion : La deuxième difficulté réside dans le risque de dispersion en raison de leur jeunesse, les SIC ont été largement influencées par des chercheurs venant d’autres disciplines. Cette tendance se poursuit, certains étudiants étant formés à la discipline sans enseignement spécifique, tandis que d’autres appliquent des grilles d’analyse empruntées à leurs formations d’origine.

  3. La construction scientifique des objets : La troisième difficulté porte sur la construction scientifique des objets et l’organisation disciplinaire des connaissances en sciences humaines, une question qui mérite d’être approfondie.

Vers un paradigme propre aux SIC ?

Face à ces défis, l’auteur remet en question la possibilité de définir un paradigme propre aux SIC. Dans cette section, il se demande "s’il faut privilégier les objets d’études concrets ou la théorie, ou encore, choisir entre la dimension historique et la dimension rationnelle". Il conclut en soulignant qu’il est difficile de comprendre, d’un point de vue juridique, pourquoi les SIC devraient nécessairement s’appuyer sur des paradigmes externes, au lieu de construire leurs objets à partir de leur propre pertinence, c’est-à-dire de l’approche communicationnelle.

Dernière appréciation

Nous n’adoptons pas une posture de donneurs de leçons. Avec toute la modestie qu’impose la démarche scientifique, notre analyse ne prétend pas être la référence absolue, d’autant que nous en sommes encore à nos premiers pas dans la recension scientifique en Epistémologie. Cela dit, il convient de souligner que les sciences de l’information et de la communication, comme d'autres disciplines des sciences humaines, doivent développer un paradigme propre permettant de délimiter et de comprendre le phénomène de communication de manière spécifique et originale. Ainsi, les sciences de l'information et de la communication doivent trouver un équilibre entre la définition d'objets concrets et la nécessité de développer une approche théorique distincte. Par ailleurs, il sied de noter de nombreux travaux et réflexions sont toujours en cours pour permettre aux SIC d'acquérir une plus grande autonomie cognitive et de devenir une discipline pleinement intégrée dans le champ des sciences humaines.

En complément de notre recension, ces travaux peuvent vous être d’une grande utilité pour enrichir la compréhension de la scientificité des sciences de l’information et de la communication. Voici quelques ouvrages ou articles qui peuvent intéresser :

Vous pouvez lire l'ouvrage aussi « Les SIC : essai de définition » de Jean-Baptiste Perret, publié sous forme d'article, en cliquant sur ce lien 

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Note : Cette recension réalisée par l'étudiant BULONZA Enock s'inscrit dans le cadre du séminaire d'Épistémologie de la Communication, animé par le Professeur ordinaire Vicky ELONGO en Master 2 en Communications Sociales à l'Université Catholique du Congo (UCC- Kinshasa 2021-2022).


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