Bref aperçu de l’éthique dans l’exploitation des données à caractère personnel par les GAFAM




Note: Le présent travail s'inscrit dans le cadre de l'exposé fait par BULONZA Enock dans le cadre du cours de Questions approfondies d'Ethique et déontologie de la communication dispensé par le Professeur Vicky Elongo. Master 2 Communication Sociales à l'Université Catholique du Congo ( 2021-2022)

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Depuis le début du siècle actuel, l’humanité assiste à la montée en puissance des géants du Web tels que Facebook, Amazon, Microsoft, Appel et Google. Ces cinq entreprises constituent l’acronyme du cercle appelé « GAFAM ». Ces nouveaux maitres du monde contribuent significativement au rapprochement des individus des divers horizons, à la mise en lumière des informations, des sciences, à la naissance de nouveaux métiers au partage des contenus. Aujourd’hui, ils poursuivent leur exploration du monde au point que la majeure partie des individus vivant sur la terre sont désormais obligés d’avoir en plus une vie virtuelle en plus de celle physique. En guide de rappel, cette vie numérique n’est possible que si les utilisateurs acceptent de donner leurs informations personnelles aux GAFAMS. A titre d’exemple, l’inscription sur toutes les plateformes en ligne de, entre autres, Google, Facebook est conditionnée une politique de confidentialité qui voudra que l’humain, potentiel utilisateur donne son complet, sa date de naissance, son sexe, ses préférences, sa ville…

En effet, Cette nouvelle orientation en vogue accorde encore beaucoup plus de pouvoir aux GAFAM du fait qu’ils possèdent plusieurs informations à caractère personnel de leurs utilisateurs. Ainsi, ces données sont considérées comme la mine d’or pour eux. Car, la politique économique de ces géants du numérique est fondée sur « les données » ou « les data » qu’ils considèrent comme marchandise.

Selon l’association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet.  Si vous avez des comptes sur les réseaux sociaux, que vous utilisez un moteur de recherche classique, que vous avez un smartphone avec des applications, toutes les opérations que vous pouvez faire consulter un site web, « liker » une page, utiliser une application, envoyer un message, une photo, etc. seront traitées et analysées ». Ils ne se limitent pas par-la, après analysent, les préférences, les habitudes de consommation, les gouts, les préoccupations, de leurs utilisateurs pourraient devenir des vraies marchandises à soumettre aux potentiels annonceurs en ligne. [1]

Par exemple en France, Facebook utilise mensuellement les données de plus 37 millions de Français selon Facebook France. Vous créez une page, le site vous demande des informations : nom, prénom, âge, sexe, écoles où vous avez été scolarisé...Toutefois, cette force soulève plusieurs interrogations existentielles autour de l’utilisation de ces données des utilisateurs que les GAFAMS possèdent :

·         Comment utilisent-ils les données de leurs utilisateurs ?

·      Pourquoi-ils veulent tout savoir sur leurs utilisateurs ?

·         Ont-ils un plan d’éthique pour mieux utiliser ces données ?

·         Comment devraient-ils les utiliser de manière responsable ?

Les quatre questions constituent la vitrine du présent travail pratique. Mais pas que ! Elles suscitent aussi souvent des débats entre les jeunes utilisateurs des plateformes des GAFAM.

 I.1. Les GAFAM, gendarmes du monde ?

Qui dit utilisation d’internet, dit aussi cyber sécurité, cybercriminalité, Le continent africain et la République Démocratique du Congo ne sont pas épargnées par ces vulnérabilités. En 2021, 33% des Africains utilisaient Internet contre 63% pour la moyenne mondiale. C’est ce que révèle l’Union internationale des télécommunications (UIT), dans son rapport 2021 intitulé « Mesurer le développement numérique : Faits et chiffres ». Visiblement, la pandémie du Coronavirus a contribué à la diminution de l’écart entre les pays les plus connectés du monde et ceux qui l’étaient le moins.

En 2020, le continent a enregistré une hausse soutenue de 238 % des cyberattaques visant ses infrastructures essentielles et ses plateformes bancaires en ligne, révèle Interpol, dans son rapport intitulé « Evaluation 2021 des cybermenaces en Afrique ». Quels sont les pays les plus touchés par le phénomène ? D’après Interpol, 90 % des entreprises africaines n’utilisent pas les protocoles de cybersécurité nécessaires. Trend Micro, un partenaire d’Interpol, a enregistré des millions de détections de menaces en Afrique entre janvier 2020 et février 2021. Ces attaques concernent : les courriels (679 millions de détections), les fichiers (8,2 millions de détections) et le web (14,3 millions de détections).

Ces attaques ont été principalement signalées en Afrique du Sud et au Botswana. Ainsi, en Afrique du Sud, Life Healthcare Group, une organisation qui gère 66 établissements de santé, a été victime d’une cyberattaque grave et durable. Plus spécifiquement, l’Afrique du Sud a enregistré au total 230 millions de détections de menaces, le Kenya 72 millions et le Maroc 71 millions. En Afrique du Sud, 219 millions de détections ont concerné des menaces liées aux courriels. Ce pays a également affiché le taux le plus élevé de tentatives ciblées de rançongiciels et d’escroqueries aux faux ordres de virement (FOVI). Des statistiques qui montrent clairement que l’émergence des GAFAM rime aussi avec celle des cyberattaques. Ainsi, ces GAFAM s’investissent à fond pour diminuer le taux de ces attaques grâce aux informations ou données de leurs utilisateurs. [2]

En février, Facebook a supprimé un réseau russe exploité à partir de Saint-Pétersbourg en Russie ciblant plusieurs pays d’Afrique dont le Nigeria, le Cameroun, la Gambie, le Zimbabwe, et le Congo. Le géant américain dit avoir détecté et investigué sur base des données personnelles de ses utilisateurs cette opération dès la mise en place de ce réseau. Après cette étape, le réseau social américain a partagé les informations avec les forces de l’ordre, les décideurs politiques et d’autres industries. Ce réseau russe qualifié « d’usurpateurs malveillants », mène des opérations basées sur un vaste réseau de faux comptes, induisant de vrais utilisateurs en erreur à travers des publications, commentaires et création de pages. Ces campagnes fallacieuses ciblent souvent des personnalités de haut niveau telles que des influenceurs ou journalistes.[3]

I.2. Nécessité de la réglementation de l’utilisation des données à caractère personnel par les GAFAM

L’utilisation massive d’Internet a permis l’émergence d’une économie numérique aux rendements croissants, avec une réduction drastique des coûts de transaction, la mise en place de processus permanents de concentration financière et un soutien actif à la dérégulation, favorisant ainsi les opérations d’intégration verticale et horizontale. Les GAFAM développent des technologies qui modifient nos méthodes de réflexion. Aujourd’hui, leur pouvoir est préoccupant et fait l’objet de critiques concernant notamment l’utilisation commerciale d’informations normalement privées, l’application protégée par les brevets d’une technologie de domination, leur lobbying pour éviter les lois antitrust, leur recours à la spéculation financière, leur goût pour la négociation et l’optimisation fiscales dans les paradis fiscaux, ainsi que la création d’une société de contrôle et de surveillance des consommateurs et des citoyens. L’exemple susmentionné montre clairement que les GAFAM ont accès à nos données personnelles et peuvent en faire ce qu’ils veulent. D’où, il y a nécessité d’une réglementation de l’exploitation de ces données.

En effet, le continent africain a encore un long chemin à parcourir pour harmoniser son cadre légal et réglementaire de la protection des données huit ans après l’adoption de la convention de l’UA sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel (aussi appelée convention de Malabo). Le 23 juin 2014, les Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine (UA) ont adopté la convention de l’Union africaine sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel afin de renforcer et harmoniser les législations actuelles.

A ce jour, seuls 13 Etats sur les 54 de l’Union africaine ont ratifié cette convention. Ce sont : Angola, Zambie, Sénégal, Guinée, Ghana, Togo, Cap Vert, Namibie, République du Congo, Rwanda, Mozambique, Niger et Île Maurice. Huit autres Etats ont signé la convention de Malabo mais ne l’ont pas encore ratifié. Il s’agit du Tchad, la Tunisie, la Guinée Bissau, les Comores, Sao tomé-et-principe, le Bénin et de la Mauritanie. Juridiquement parlant, de nombreux pays comme la République Démocratique du Congo ne possède pas un arsenal bien garni en matière de lois sur les données à caractère personnel. Toutefois, la Constitution à son article 31 évoque les questions du respect à la vie privée « au secret de la correspondance de la télécommunication ou de toute autre forme de communication. Il ne peut être porté atteinte à ce droit que dans les cas prévus par la loi ». [4]

Ce retard suscite une nécessite de réglementer ce secteur à part. En juillet dernier, Africa Data Protection, une plateforme d’information sur la protection des données personnelles en Afrique a appelé les Etats à l’harmonisation du cadre légal. Selon elle, ce retard dans l’application du cadre de Malabo est une menace pour la protection sur le continent. Son harmonisation pourrait donc être une solution à la protection de la vie privée des citoyens et une opportunité de promouvoir le développement du continent. En outre, d’un point de vue personnel, sachant que pays africain a ses réalités, il serait aussi important qu’en plus de la ratification de la convention de Malabo, que chaque Etat mettes en place un arsenal juridique qui réglementera le mode de fonctionnement des GAFAM sur son sol. Cela constitue un garde-fou face aux dérapages de ces géants du numérique. Elle sera donc la ligne rouge à ne pas franchir en termes de mauvaise exploitation des données à caractère personnel. 

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